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Grands étés et années « sécheresse »

des siècles d’histoire !

 

 

D’après l’ouvrage « Des changements dans le climat de la France » paru en 1845, la canicule et la sécheresse font l’objet de relevés particuliers dès le VIe siècle avec 8 années signalées (580, 582, 584, 585, 586, 587, 589, 591), puis une année au VIIe siècle ; 1 au VIIIe ; 2 au IXe ; 3 au Xe ; 2 au XIe ; 3 au XIIe (en 1188, rivières, fontaines, puits sont à sec, les incendies font rage à Troyes, Auxerre, Chartres, Tours, Beauvais) ; 4 au XIIIe ; 8 au XIVe (en 1303, même le Rhin est traversé à sec). Au XVe siècle, l’optimum de la phase chaude, quasiment sans équivalent, est enregistrée de 1414 à 1435, à l’exception de 1428 (l’été 1420, trop chaud, trop sec des Pays-Bas à l’Italie, déclenche des vendanges hyper précoces le 25 août à Dijon, vendanges précoces qui se répètent en 1473). Le relevé note encore une période estivale exceptionnelle au XVIe siècle ; 4 au XVIIe et 9 au XVIIIe…

 

Entre 1528 et 1534, divers écrits de chroniqueurs de l’époque rapportent : « Le printemps et l’automne ne forment plus qu’une seule saison ; l’hiver même a la douceur du printemps et le charme de l’automne ou, pour mieux dire, l’été se continue durant l’année entière. En cinq ans, on ne vit pas deux jours de gelée… Cette chaleur importune énerve la nature et la rend impuissante ; elle n’amène rien à maturité, les arbres poussent des fleurs après le fruit, les blés ne croissent point en terre et, faute d’hiver, il y a si grande quantité de vermine que les récoltes sont minables… » Pourtant, 2 années seulement, 1540 et 1553, sont qualifiées de grands étés.

 

Au XVIIe siècle, citons 1632 et sa grande période de chaleur du 12 juillet au 15 septembre ; l’année 1684, classée par J-D Cassini la plus chaude sur 82 ans répertoriés à Paris, avec 68 jours à 25°, 16 jours à 31° et 3 jours à 35° et la terrible année 1694 où les cadavres de gens et d’animaux jalonnent les chemins.

 

Au XVIIIe siècle, 9 étés semblent sortir du lot : 1701, 1712, 1718, 1719 - le thermomètre affiche 31° pendant 42 jours et le Révérend Père Louis Éconches Feuillée (1660-1732) explorateur, botaniste du Roi, géographe et astronome français écrit qu’il a cueilli des pommes et des cerises en pleine maturité le 18 décembre - 1726, 1727, 1767 1778 et 1793 (année de la Terreur et d’un été caniculaire infernal). Les 10 et 11 avril 1731, la température s’est élevée à 35°8 ; à 40° en 1728 ; à 39° le 19 août 1763 dans Paris ; à 37,5° le 22 juin 1764 ;  à 40° le 26 août 1765 ; à 37,6° en juillet 1766 ; à 39,4° le 14 août 1773...

 

Au XIXe siècle, les données sont plus précises :

Le lit du Rhin à sec en 1882

-       1803 : chaleur et sécheresse sévissent sans interruption du 28 juin au 11 septembre, se poursuivant plus modérément jusqu’en novembre favorisant le départ de nombreux incendies spontanés dans les bois. A Paris, le petit bras de la Seine est presque à sec,

-       1811 : à Nancy, on enregistre une forte chaleur du 16 mars au 6 août, puis 2 jours de pluie violentes, puis chaleur à nouveau jusqu’en octobre, ce qui donne pour ces quelques mois une température moyenne de 20° ;  la sécheresse épuise les sources et les torrents ; les moissons commencent le 10 juillet et les vendanges le 8 septembre...

-       1842 qui se caractérise par une chaleur extrême ressentie plus au Nord qu’au Sud, avec une température moyenne sur 3 mois de 27°3 au lieu de 18°1… Le 18 août, Paris transpire sous 37°20 ! Cette canicule inspire en 1845, l’ouvrages du Docteur Joseph-Jean-Nicolas Fuster « Histoire de ses révolutions météorologiques » qui s’appuie sur celui de Jean-Baptiste Labruyère-Champier (savant humaniste et médecin attaché aux rois Henri II puis François 1er) et Fernel « Des changements dans le climat de la France ».

L’Illustration 1892

-       1882 à Strasbourg, le Rhin se traverse à pied.

-       1892 qui fait écrire au journaliste Edmond Renoir « 40° à l’ombre ! On étouffe, on sue, on fond… C’est qu’il fait chaud allez, chaud, chaud, chaud : Paris dort, depuis le cocher, la ménagère, le promeneur jusqu’à l’agent. On souffle, on s’éponge, on sommeille… en écrivant, la plume me tombe des mains… »

-       1893 La terrible sécheresse de 1893 enregistrée dès le mois de mars (avril-mai : 11,5 mm de pluie), se rapproche de celle de 1723 (avril-mai : 19 mm de pluie) : 65 jours sans pluie ! La température moyenne de toute l’année 1893 est de 10°92, donc supérieure à la température moyenne relevée durant les 60 années précédentes.

 

« Dans ce siècle, la température de 36° n’a été atteinte ou dépassée, à Paris, que 10 fois : en 1802, 1803, 1808, 1825, 1826, 1842, 1873, 1874, 1876, et 1881. Le XVIIIe siècle fut plus riche en températures exceptionnelles : 23 fois, le thermomètre dépassa les 36°. » L’Illustration, 1892.

gravure Petit Journal 22.9.1895

 

Grâce aux données collectées, une constatation : de 1700 à 1799, 24 années (soit près d’1/4) ont présenté des maxima supérieurs à 36° tandis que de 1800 à 1893, il ne se trouve que 11 années à température maxima élevée.

 

L’été 1895 se passe normalement lorsque dans Le Petit Journal de septembre 1895, on lit « les terribles chaleurs sont arrivées… Quelle cuisson ! On n’en pouvait plus et avec cela les sources ne fournissant plus la provision nécessaire, l’administration que l’Europe nous envie nous a mis au régime assassin de l’eau de Seine fertile en microbes. Dur, très dur ! »

 

Le début de l’année 1896 est marqué par une vague de chaleur qui se répand plus particulièrement du 22 au 25 mars avec des températures presque estivales affichant 23°sur Paris, 22° à Lyon, 21° à Londres et 21° à Berlin.

En avril, c’est l’Amérique connaît de grandes anomalies entre l’ouest pris sous d’épouvantables tourmentes de neige et New York qui affiche 29°5, chaleur qui y reste encore excessive au mois d’août où, du 12 au 13, plus de 158 cas de mort par insolation sont constatés. A Chicago, les cadavres de chevaux encombrent les rues et une désinfection est entreprise.

 

Les grandes sècheresses du début du XXe siècle, 1904 connaît la sécheresse en aout et des incendies violent éclatent en France dans les bois de l’Ain, de Fontainebleau, de Marseille mais aussi en Italie, en Algérie ; 1905 présente été et automne secs ; l’année 1906 reste mémorable par la persistance du beau temps, la rareté des pluies, des chaleurs excessives et prolongées. Le crottin des chevaux de traction partout présents sont accusés du réchauffement climatique : le gouvernement octroie des aides afin de développer le moteur qui les remplacera.

Le Saut du Doubs à sec en 1907

D’après J-R. Plumandon, météorologiste à l’Observatoire du Puy de Dôme, les plus longues périodes sans pluie ont atteint 36 jours à Clermont-Ferrand (24 mai-29 juin) ; 47 jours à Perpignan (16 mai-2 juillet) ; 50 jours à Lyon (15 mai-4 juillet) ; 59 jours à Marseille (14 août-12 octobre) ; 72 jours à Toulouse (24 août-11 octobre) ; 75 jours à Nice (6 juillet-19 septembre). Si on ne tient pas compte des 32 mm de pluie tombés à Marseille le 14 août et des 4 mm tombés à Perpignan, on trouve que le manque de pluie dure depuis 89 jours à Marseille et 99 jours à Perpignan.

Dans le Centre et dans le Midi, la sécheresse est d’une gravité exceptionnelle.

Le Jura qui connaît un abaissement des étiages qui s’accentue dramatiquement. Dès le milieu de l’été, M. Borel, directeur de l’usine Pernod à Pontarlier, écrit : « La période de sécheresse qui dure depuis 5 mois a réduit le débit du Doubs, à sa sortie du lac de Saint-Point à 220 litres à la seconde tandis qu’il peut atteindre 70 fois plus ! »

Le lac de Chaillexon à sec en 1907

Les sources de la Serpentine, de l’Ain et de ses affluents sont si taries que les usines ne peuvent plus fournir l’éclairage électrique.

 

 

Sources : mes collections et livres anciens

 

Rosine Lagier

 

 

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