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En quelques années de mode
féminine, il y a un siècle… une hécatombe ! |
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La
mode ! La contagion s’étendit bien vite des villes aux campagnes :
« Beaucoup de jeunes paysannes ont pris des goûts de luxe, leurs
économies sont absorbées par les toilettes et les affûtiaux »
écrivait un journaliste de l’Illustration au début du XXe siècle. En
1927, la revue L’Alliance nationale pour l’accroissement de la population et
le Journal des instituteurs et institutrices de France dénonçaient
la mode et son commerce par catalogue, ces « inventions sataniques
qui mettent en péril la population et toute la nature. »
Le
corset,
instrument de toilette et de torture qui traversa les siècles, meurtrissait
les chairs, déformant les bustes et les hanches. Au fil des modes et des années,
les lames souples de fer se transformèrent en ivoire, en écaille puis en
fanons de baleines. Corset d’été, d’hiver, d’amazone : un corset
comptait jusqu’à 104 « baleines » or, la France produisait 1,4
millions corsets par an ! « La mer du Nord et la
Baltique finirent par être dépeuplées. Les pêcheurs norvégiens et hollandais
fouillaient en vain les brumes de l’océan pour fournir à la coquetterie
féminine l’indispensable auxiliaire qu’elle réclamait : les cétacés
pourchassés s’étaient réfugiés vers les glaces arctiques et Paris faillit
manquer de baleines ! » Lectures
pour Tous, 1903.
Pour
les chapeaux,
parmi tous les motifs de parure, le plumage des oiseaux, plus
exactement l’aile de l’oiseau, fut la parure la plus
convoitée par la femme ! Pour
satisfaire les besoins de la
plumasserie, les volatiles de la terre entière furent massacrés sans
merci par millions. Cygnes, eiders, pétrels, macareux, pingouins,
mouettes furent recherchés en Islande, au Canada, aux îles Sandwich, aux îles
Féroé où on y tuait, sans fusil pour ne pas abîmer le plumage, un peu
plus de 600 000 volatiles par an. Lophophores, perruches, satyres,
martins-pêcheurs, paradisiers, grues, marabouts,
aigrettes, paons furent parmi les espèces les plus demandées. En
Chine, le paon était l’objet d’un commerce très actif et l’Égypte, théâtre
d’incroyables hécatombes, fournissait quotidiennement plus de 80 000
pièces. En 1898, le Venezuela exportait 2 839 tonnes de plumes
d’aigrettes, ce qui représentait le massacre de plus de 3 millions
d’oiseaux ! Cette
même année, la plumée des autruches du Cap avait fourni 153 tonnes de
plumes produites par 350 000 volatiles, pour un montant de 15
millions de francs soit à peu près l’équivalent de 47 millions d’euros. Un
journaliste du Soleil du Dimanche, s’appuyant sur des
statistiques alarmantes parues en 1898, écrivait : « Veut-on
savoir combien les chapeaux des femmes consomment d’oiseaux par an ? Pas
moins de trois cents millions ! » Et ce carnage ne
représentait que 2 % de la matière première utilisée, les volatiles
rustiques de nos basses-cours fournissant les 98 autres pour cent ! En
1908, le magazine Femina révélait qu’un seul plumassier de Paris
avait utilisé 40 000 hirondelles, 32 000 oiseaux mouches,
80 000 oiseaux de mer et 800 000 paires d’ailes de toutes sortes !
Après
un long déclin au XIXe siècle, la fourrure retrouva,
au tournant du XXe siècle et jusqu’au début des années 1910,
un développement inattendu avec l’arrivée « des merveilleux fous
roulants sur leurs drôles de machines »… Découvertes et sans
pare-brises, les voitures ne protégeaient ni du froid, ni du vent, ni de la
poussière : « conducteurs comme passagers disparaissaient sous
d’immenses pardessus tout en peau de rennes, avec des revers de rat musqué et
doublé de cette étrange fourrure inconnue en France, la civette, surnommée
lyre-skin, qui donne naturellement le dessin d’une lyre blanche sur fond
noir, sous des manteaux de fourrure ou de pelisses en drap fantaisie
imperméabilisé avec col d’astrakan et doublure de fourrure diverses:
renards, chèvres de chine ou de Suisse, loups, fouines, putois, visons, hermines,
ventres d’écureuils gris, hamsters, chats de Russie, opossums, chinchillas,
loutres, etc…
En
ville, les frileuses s’enveloppaient d’écharpe gigantesque en fourrure et cachaient
leurs mains gantées dans des manchons douillets. » En 1910, le
Canada exportait 230 000 peaux de vison, en 1930, l’État de New York
nous livrait 100 000 peaux d’hermine (en 1910, un seul manteau
nécessitait 1 200 à 1 500 peaux !). En 1908, 2,6 millions
de peaux d’écureuils gris s’étaient vendues en Russie et en 1911, ce fut 4
fois plus. Avant la Première guerre mondiale, la production totale des
astrakans de Boukhara variait de 1 800 000 à 2 000 000
de peaux… Les premiers élevages d’animaux sauvages virent le jour
en 1904. En
1906, à Paris, pour parer les dames, on dénombrait 2 500 ateliers de
confection avec un effectif de 25 000 couturières, les dix plus gros
magasins de mode employaient chacun de 300 à 800 vendeuses ; le travail
des étoffes employaient, en France, 1380 000 femmes - dont 143 648 patronnes
- et environ 58 000 dentellières de profession…
La
dentelle, autre luxe convoité et objet de contrebande entre la France et la Belgique. Des
chiffres font frémir : en 16 ans, les douaniers tuèrent plus de
40 000 chiens contrebandiers, les corps enroulés dans la précieuse
broderie, le tout recouvert de toile de jute, un collier à pointes acérées
autour du cou pour les protéger des attaques des chiens douaniers qui les
pistaient… Rosine Lagier Sources : mes collections, ma
bibliothèque ancienne et mon ouvrage « Il y a un siècle, la
femme » |