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Des
hivers qui se remarquent : Pluies et ouragans, gadoues et crues ! |
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Il est difficile, de nos jours, d’imaginer
comment la moindre pluie pouvait transformer en gadoue les rues non pavées
des villes et villages - sans réseau d’égouts - foulées par des gens à pied
ou en charrette, où le crottin des chevaux se mêlait aux excréments d’une
multitude d’animaux, aux immondices mis en tas à la porte des habitations,
des échoppes et des ateliers si nombreux à cette époque, dans l’attente d’un
hypothétique ramassage par le tombereau municipal ! Cette gadoue
devenait d’autant plus abondante que les pluies étaient diluviennes et la
circulation intense… La pluie rendait tout dégoulinant, la crotte et la boue
engluaient et plâtraient les robes des dames et les pantalons des messieurs
des chevilles aux genoux. L’inondation, pourtant sujet vraiment tragique,
inspire bien souvent les artistes, peintre ou poète, depuis le Déluge qui séduit Poussin et
Gustave Doré, Schnetz qui peint en 1831 les
débordements du Tibre, Paul Huet qui montre son Inondation à Saint-Cloud à l’Exposition Universelle de 1855.
Théophile Gautier écrit d’ailleurs à propos de cette toile : « il est impossible de mieux rendre
la lumière blafarde, l’eau terreuse, les branchages souillés, et l’aspect
étrange et désolé de l’inondation. » Si Castelneau
et Saintain peignent des inondations sans les
localiser, Belly situe la sienne en Égypte, Lasalle et Bouguereau
localisent les leurs à Tarascon, Pignerolle à Rome.
Van den Berg en compose une curieuse en Hollande. La Loire en crue
trouve des adeptes en Picon qui l’expose au Salon de 1865 et Leullier au Salon de 1869. Il est vrai qu’au cours du XIXe
siècle, la Seine et la Loire ont débordé et inondé vraiment 13 fois et le
Rhône 11 fois ! En 1195, à Paris, la montée des eaux de la
Seine force Philippe Auguste à fuir son palais de la Cité pour se
réfugier à l’abbaye Sainte-Geneviève. En janvier 1493, elles s’étendent jusqu’à la
place Maubert et la rue Saint-André-des-Arcs. A la
suite de cette inondation, une statue de la Vierge est installée sur un
pilier (actuellement quai de la Mégisserie) avec l’inscription : Mil quatre cens
quatre-vingt-treize Le septiesme
jour de Janvier Seyne fut ici à son aise Battant le siège du
pilier. En 1544, les pluies diluviennes qui tombent sur
la Provence font sortir de son lit le Rhône qui abat une partie des murailles
d’Avignon, déterre les morts dans les cimetières. En janvier 1579, la Bièvre
bourbeuse cause une inondation terrible baptisée « le déluge de
Saint-Marcel ». A Paris le 22 décembre 1595, le pont aux Meuniers,
voisin du grand Pont, que la violence des eaux vient d’entraîner avec toutes
les maisons bâties dessus et habitées par les meuniers, s’effondre dans un
fracas épouvantable : 160 personnes périssent dans la chute.
En 1616, à Paris, le dégel du mois de janvier
amène la débâcle des glaces et la chute d’une partie du Pont Saint-Michel,
dans la nuit du 29 au 30. Le Pont au Change est secoué à son tour et
plusieurs maisons sont renversées dans l’eau. « Les eaux entraînèrent les meubles des maisons jusqu’aux
environs de la ville de Saint-Denis. » Paris à travers les siècles,
tome 2, 1892. Dans les registres manuscrits du Parlement, en date du 10
février, on lit « Les quels
meubles ayant été demandés par ceux aux quels ils appartenoient,
la délivrance en a été retardée sous prétexte des droits d’épave, bris et
naufrages prétendus par ceux qui les ont trouvés, au grand préjudice et
dommage tant des particuliers que du public ; requiert qu’ils leur
soient rendus promptement sans aucun droit d’épaves, bris et
naufrages. » La cour fit rendre les meubles mais elle n’abolit pas
le droit d’épave qui subsista jusqu’à la Révolution. En 1627, le Roubion
en crue dévaste une partie des remparts et des fortifications de
Montélimar : les brigands pénètrent dans la ville et tuent pour piller. En 1647, les Parisiens se déplacent en bateau
dans les rues du Coq et du Mouton… Onze ans plus tard, le 27 février 1658,
toutes les maisons des quais sont anéanties par le violent courant de la
Seine et une montée des eaux mémorable : 8,81 m. L’année 1726 commence par un temps affreux, la
Seine déborde de tous côtés puis se congèle en raison d’un froid terrible. Le
18 janvier, les glaces et la débâcle brisent des bateaux chargés de
1 500 pièces de vin : tout est perdu. Des moulins à eau habités
s’en vont à la dérive, le feu s’y met et les consume : on ne peut rien
sauvé, ni personne. Si l’hiver de 1739-40 est calamiteux (une forte
inondation de la Seine commencée le 7 décembre dure jusqu’au 18 février),
celui de 1740-41 n’est pas plus clément. Le jour de Noël, la plaine de
Grenelle, du canton des Invalides, au Cours-la-Reine et aux Champs-Élysées,
tout Paris se couvre d’eau. La Seine allonge son lit jusqu’à la place Vendôme ; la place Maubert,
la rue de Bièvre, la rue Perdue, la rue Galante et la rue du Fouare deviennent ses affluents. Sur le port au blé,
l’eau va au-dessus des portes cochères. « Quelques
maisons avaient été détruites et renversées par les eaux, des personnes y
furent noyées ou écrasées et la ville dut faire abattre un grand nombre de
bâtiments… L’inondation eut des suites désastreuses au point de vue de la
misère et le nombre des mendiants devint tel que le Parlement dut rendre de
nouveaux arrêts : tous les pauvres étrangers à Paris durent quitter la
ville dans la huitaine… » Paris à travers les siècles, Tome III. Le
jour des Rois, il se met à geler si fort que la Seine, 3 jours plus tard, est
scellée dans la glace. Il gela pendant deux mois… Le Rhône connaît également
plusieurs crues mais celles de 1713, 1715, 1747, 1754 sont vraiment
catastrophiques. Paris est à nouveau inondé en 1751 : « on alloit
en bateau dans la rue de Bièvre et jusqu’à la fontaine de la place Maubert, sur la place de Grève, le quai des Augustins, le
quai du Louvre ; tout le chemin de Versailles, le cours La Reine et les
Champs-Élysées étoient sous l’eau. » Cette
situation dure près d’un mois. Il est encore inondé en février 1764, après un
froid rigoureux dès le mois de novembre de l’année précédente et une chute
abondante de neige suivie de pluies torrentielles qui font grossir également
les rivières de Champagne et de Bourgogne. Le 27 janvier, la Seine avait
commencé à monter. « Le 7 février,
à la tombée de la nuit, l’eau s’élevait à 20 pieds 8 pouces (7 m d’eau
environ)… la plus grande hauteur de l’eau fut de 21 pieds 10 pouces. » Paris
à travers les siècles, tome III. L’eau refoule par tous les égouts, noie la
plaine d’Ivry ; « l’isle Louvier étoit presque toute couverte » ainsi que le
quai des Augustins, le quai de la Tournelle, la rue de l’Université, « le jardin du Terrain étoit devenu une isle, dans la Cité, la cour de la
Présidence étoit remplie, la partie du cloître de
Notre-Dame qui aboutit au Pont-Rouge étoit inondée.
Le palais Bourbon et les hôtels qui l’avoisinent formoient
une isle… » « La
nuit du 4 au 5 février 1774, les glaces s’accumulèrent et s’élevèrent si haut
à Charenton que, se renversant par-dessus les estacades, elles se
précipitèrent à travers les gares et entraînèrent par leur impétuosité 42
bateaux de différentes grandeurs, tous chargés de charbon. » Paris à travers les siècles, Tome III. Cette masse énorme a pour effet
d’entraîner immédiatement avec elle plusieurs bateaux vides, le bac, l’une
des pataches de la ferme générale et les 5 occupants de garde, un moulin… Dans la nuit du 27 au 28 février 1781, la
tempête est si forte à Paris et dans les environs que les rues sont jonchées
de cheminées et de toits enlevés par le vent ; dans les jardins des
Tuileries et de Versailles, les arbres sont déracinés ou coupés par leur
milieu ; la grande grille du château de Versailles est arrachée et jetée
à terre… Au XIXe siècle, les inondations
désolent une grande partie de la France : l’Ain, l’Ardèche, les
Bouches-du-Rhône, la Côte-d’Or, la Drôme, le Gard, l’Hérault, l’Isère, la
Lorraine, le Nord, le Rhône, la Saône et Loire… Lyon est la ville qui souffre
le plus : plus de 500 maisons sont anéanties dans les faubourgs de Vaise et de la Guillotière. Non seulement l’année 1816 est marquée par le
mauvais temps mais elle est marquée aussi par la disette qui sévit
cruellement. Le 11 janvier 1866 à 11 heures du matin, un
épouvantable ouragan se déchaîne sur la rade de Cherbourg : 22 navires
venus se réfugier à l’abri de la tempête sont jetés sur le quai
Napoléon ; presque tous devront être démolis sur place. Deux-cent-vingt
blocs énormes - qui servent de contrefort et dont certains pèsent 4 tonnes -
sont arrachés et balancés par-dessus la muraille du môle. Trente-huit canons
qui couronnent la digue sont arrachés et précipités à la mer ; quatorze
d’entre eux pesaient 6 tonnes !
La fin de l’année 1872 reste marquée par des
ouragans et des pluies torrentielles puis des crues. Fin novembre, les
inondations commencent au confluent de l’Oise et du Thérain, noyant la vallée
industrielle et paralysant les usines. Début décembre, la Marne sort de son
lit et noie la vallée de Perreux, la capricieuse Durance, tant redoutée,
déborde et inonde la plaine d’Avignon. La Loire, se gorgeant de tous ses
affluents, sort de son lit. Le 11 décembre, un violent coup de vent déracine
les arbres dans les Alpes et furieusement dévaste Paris. Suivent des trombes
d’eaux ininterrompues qui gonfle la Seine mugissante : Paris et la banlieue se paralysent subitement,
dans une France encore si affaiblie par la guerre de 1870 ! « Cette
année, les inondations si générales semblent tenir à quelque cause
astronomique. C’est dans les régions célestes qu’il faut probablement
chercher la cause des pluies d’une persistance inouïe. De brillants météores
aperçus depuis Dublin jusqu’à Rome, depuis Bordeaux jusqu’à Genève semblent
avoir produit tous ces troubles » remarque W. de Fonvielle dans l’Illustration de décembre 1872 en
s’appuyant sur la conclusion d’Alexandre Herscheli,
troisième représentant de la glorieuse dynastie astronomique fondée par le
maître de chapelle du roi de Hanovre, qui démontre que « notre globe a été assez maladroit pour
donner tête baissée sur la comète de Biela… »
En 1875, dans la nuit du 17 au 18 janvier, les
deux rivières qui traversent Chambéry roulent des eaux rapides, abondantes et
menaçantes dans un terrible fracas. A 5 heures du matin, le tocsin réveille
la population mais déjà il n’est plus temps de se sauver : les rues, les
caves et les rez-de-chaussée sont inondés. Au milieu des eaux boueuses - qui
atteignent par endroit 1,80 m - surnagent des poutres, des tonneaux, du
linge, des ustensiles de toute sorte. Vers 22 heures, il ne reste plus
d’immersion mais 2 millions de dégâts. Le 24 février 1876, avec la fonte de la neige
abondamment tombée en janvier, la Seine monte à l’assaut des berges. Mars
n’est qu’averses, bourrasques, inondations. Le 18 mars, la crue de la Seine
ruine les commerçants, notamment les négociants de Bercy : l’étiage du
Pont-Royal est à 7 mètres. Bien des malheureux doivent fuir leurs demeures
dévastées.
La situation s’aggrave au fil des jours. De
Villeneuve-Saint-Georges à Maisons-Alfort, ce n’est plus qu’un lac immense
d’où émergent les cimes des peupliers et quelques toits de maisons. Les
habitants d’Alfortville se sont réfugiés au 1er étage de leurs
habitations et ne s’y sentent plus en sécurité devant la montée des eaux. Sur la rive droite de la Marne, l’eau a tout
envahi sur un large espace. Suresnes, le champ de courses de Longchamp,
Puteaux, Asnières sont submergés : plus de 1 200 habitants,
cultivateurs campent massés dans la seule partie élevée existante.
Camille Flammarion expose dans son ouvrage Atmosphère le mécanisme des
inondations et il y écrit que l’année 1876 sera inscrite aux annales de la
météorologie par l’abondance des pluies et par l’élévation du niveau des
fleuves, comme l’ont été à des périodes décennales régulières (coïncidant
presque avec les minima des taches solaires) les années 1866, 1856, 1846 et
1836.
Fin février 1889, la Seine monte
dangereusement : les constructions de l’exposition édifiées sur la berge
du quai d’Orsay sont transformées pendant quelques jours en cité lacustre.
Près de l’Esplanade des Invalides, le pavillon de la balnéothérapie, que l’on
venait de commencer, est submergé jusqu’à la charpente. Le palais des
produits alimentaires est traversé par les eaux : celles-ci, après avoir
pénétré par les fenêtres en amont, ont soulevé le parquet et s’écoulent par
les fenêtres en aval. L’énorme échafaudage qui sert à la construction du pont
d’Arcole est emporté tout d’une pièce : les pieux enfoncés sur 80
centimètres sont arrachés par le courant violent, les madriers cassés comme
des allumettes. Après les tempêtes de 1894, l’Observatoire de Bidston à Liverpool note qu’entre 1867-1894, c’est en
1868 que notre pays a enregistré le plus grand nombre de tempêtes : 28
(vent de 94 km/h en moyenne soufflant pendant une durée de 5 à 30 h
consécutives). Par ailleurs, il a observé que les années concernées par les
ouragans se suivent de 5 en 5 ans ainsi 1868, 1873, 1878…
Mi-janvier 1900 : « Ouragan sur les boulevards de Paris »
titre Le Petit Journal illustré qui poursuit « Autrefois Paris n’avait guère de ces cyclones qui se produisent un
peu trop fréquemment depuis quelques années. Nous n’avons pas eu la fin du
monde, mais il ne se passe pas moins des choses auxquelles nous n’étions pas
habitués. Moins violent que d’autres, il n’en a pas moins causé des dégâts
très importants. A cause de la persistance endiablée du mauvais temps
oscillant entre « Pluviôse » et « Ventôse » les travaux de l’Exposition Universelle
prennent du retard. » Selon la Commission chargée d’établir le
calendrier républicain, Pluviôse tirait son nom des pluies qui tombaient
généralement avec abondance du 20 janvier au 18 février, dates du calendrier
grégorien, et Ventôse, en raison des giboulées et du vent qui caractérisait
la période du 11 au 20 février - Il pleut aussi à Marseille où les rafales de
vent sont si violentes qu’elles culbutent une voiture attelée et la
projettent dans le canal des Douanes. Malgré la rapidité des secours pour
dégager le fiacre et le cheval, la passagère se noya. En février 1902, bourrasques et tempêtes
sévissent sur les côtes de l’océan y causant maints naufrages, n’épargnant
pas, du reste, le littoral méditerranéen, mettant à mal son climat
enchanteur. A la fin de l’année 1909, les sols sont saturés
par des pluies bien supérieures de 38 % aux normales habituelles, plus
particulièrement le mois de décembre qui atteint 50 % de pluie en plus. Les
cours d’eau sont à leur plus haut niveau. Tout janvier 1910 est sous la pluie et la
neige. Paris et la banlieue connaissent très vite de terribles
inondations : plus de 20 000 immeubles sont inondés. La rue
Félicien-David est la première envahie par les eaux, comme elle le fut déjà -
transformée en une véritable rivière - en 1861 lorsqu’elle s’appelait rue
Cuissard, puis en 1867 alors baptisée rue Hérold. « Comment cette Seine si tranquille dans sa majesté, ce cours d’eau qui
se permettait quelques incartades tous les quarante-cinq ou cinquante ans, a
violé toutes les statistiques qui font
que Paris reprend en quelques jours la physionomie lugubre de l’année
dernière ? » questionne Mudaison dans
Le Gaulois du Dimanche avant de poursuivre « On ne peut se défendre sans attaquer mais il est vraiment désastreux
qu’à notre époque Paris soit à la merci d’un tel fléau qui coûte aussi cher
qu’une guerre. »
Le 5 mars 1912, une tempête des plus violentes,
accompagnée de cyclones et de raz de marée, dévaste toute la côte N-O et
Ouest de la France. A Boulogne, la mer furieuse déferle sur les quais et
monte à l’assaut des maisons en face du port. A Beauvais, plusieurs quartiers
sont durement éprouvés. A Caen, le jardin des plantes est saccagé. A
Cherbourg, Granville, Saint-Malo, Dinard, c’est un même désastre ; plusieurs
villas s’effondrent. Un raz de marée balaie les îles d’Ouessant et de Sein.
De nombreux naufrages sont signalés avec pertes humaines.
Pendant l’hiver 1916-1917, les pluies
automnales diluviennes transforment les champs de bataille des Flandres, de
l’Artois, de l’Argonne, de la Champagne, des Vosges en une mer de boue
enveloppée de brumes épaisses. Dans un bel article d’Henri Lavedan, on trouve
quelques lignes éloquentes : « A
combien de ceux qui se battent et se débattent les deux tiers de l’année dans
les marécages du front, n’avons-nous pas entendu dire : on cherche le
nom définitif de cette guerre… Il est tout trouvé. C’est la guerre de la
boue. Elle a la force et les ruses de l’eau mais sans qu’il soit possible de
la pomper, de la chasser, de la canaliser… Elle met des écailles et des
grumeaux sur le corps du soldat, elle ankylose ses membres, elle fige son
cœur. En une minute, elle attrape l’homme aux chevilles et lui monte aux
genoux : elle enlise des millions de boueux de la guerre. » … Dans la nuit du 23 au 24 décembre 1919, la
Meurthe, la Moselle et maints ruisseaux vosgiens ont l’humeur cruelle et
meurtrière. A Épinal, la Moselle, comme une mer en colère, grossit avec une
effrayante rapidité, une passerelle est emportée, des usines, le Cours et les
maisons riveraines inondés : un jeune homme est noyé. « Au pont de pierre, l’écume blanche
d’un flot furieux dépasse de 15 centimètres le niveau de la plus forte crue
connue, celle de 1778, qui avait été de 4 mètres. » L’Illustration,
janvier 1920. Aux environs de Saint-Dié, Raon
l’Étape, Nancy, les ruines s’accumulent, tout comme en Alsace où la Liepvrette charrient des arbres, des bestiaux, des
morceaux de route ; un jeune homme est emporté et noyé…
Le 5 janvier 1920, la Seine atteint la cote
maxima à 6,65 m au pont d’Austerlitz : la capitale est épargnée, mais il
n’en est pas de même pour la banlieue, surtout dans la vallée de la Marne où
la plaine disparaît sous une immense nappe d’eau causant des ravages. Les
usines sont inondées mettant 30 000 personnes au chômage. En Savoie, la lac du Bourget déborde et envahit
la plaine de Chambéry. Succédant à l’épouvantable année 1924, janvier
1925 voit tempête et inondations sévirent sur les côtes de la Manche. Le
littoral du Pas-de-Calais et l’intérieur des terres sont submergés. Plusieurs
centaines d’habitations sont évacuées à Bruay,
Béthune, Locon, Robecq, Gonnehem et Vieille-Chapelle. En janvier 1926, les pluies persistantes des
dernières semaines occasionnent, un peu partout en France et à l’étranger des
inondations dont quelques-unes sont inquiétantes. C’est une véritable
catastrophe qui s’est abattue sur la ville de Caen où la crue de l’Orne
dépasse en gravité celle de 1910. L’Oise sort de son lit à Compiègne et à
Creil, l’Aisne à Soissons, à Jaux, à Choisy, la
Saône à Tournus, la Meuse à Mézières et à Wacq où
l’eau atteint 1,60 m dans les rues… En Bretagne, l’océan est démonté depuis
plus d’un mois, rendant la navigation impossible : depuis 19 jours l’île
de Sein n’est plus ravitaillée ; depuis plus de 40 jours, les gardiens
de phares ne sont pas relevés… En 1931, la pluie qui, depuis de longs mois,
tombe presque sans interruption, cause partout des catastrophes. Les fleuves
et les rivières inondent leurs rives occasionnant des dégâts. Outre les
inondations, on constate que l’eau mine doucement les montagnes et les
collines du Châtelard-en-Bauge, en Savoie. « Des glissements sont à présent le résultat de ce travail lent
mais incessant, et chacun suit attentivement et anxieusement les progrès de
la coulée de boue qui a déjà recouvert plusieurs hameaux, entre autres celui
des Berges et celui des Michaud dont il ne reste plus aucune trace. »
Le Miroir du Monde, mars 1931.
En décembre 1932, à la suite d’abondantes
pluies et de la fonte des neiges, les cours d’eau du Narbonnais débordent.
Trois départements du Sud-Ouest - l’Aude, l’Hérault et les
Pyrénées-Orientales - sont en partie inondés : la situation est particulièrement
grave à Carcassonne où les eaux atteignent 3,60 mètres. A Béziers, plusieurs
usines sont envahies et la voûte de l’église Saint-Jacques s’est effondrée.
La digue de Cuxac d’Aude - qui avait été réparée en 1930 - s’est rompue. Sur
les plages de la région, les vagues déferlent violemment contre les jetées
rendant la navigation dangereuse. Par ailleurs, les eaux du Tarn atteignent 5
mètres au-dessus de l’étiage et Montauban semble sérieusement menacé.
Le mois d’octobre 1935 subit quelques pluies
diluviennes et celui de novembre enregistre une redoutable série pluvieuse
qui se poursuit avec persistance du 28 décembre 1935 au 11 janvier 1936.
Maurice Pardé écrit :« Les averses se concentrent avec une fureur indescriptible sur
le rebord oriental du Massif Central ; l’Ardèche, la Cèze, le
Gardon bondissent en des ascensions foudroyantes à des cotes insensées et
gonflent instantanément le Rhône inférieur. » De plus, une
remarquable élévation des températures a fait fondre jusqu’à 1 500
mètres le neige abondamment tombée mi-décembre sur les Alpes du Sud.
Tout le mois de janvier 1936 continue d’être
marqué par un régime pluvieux qui
affecte 20 départements de France : tous les grands fleuves, sans
distinction, débordent : la
Seine, la Loire, la Garonne, Le Rhône. A Nantes, la situation est l’une des
plus graves. Dans les campagnes, les habitants fuient la montée des eaux avec
leurs troupeaux. Dans le Morbihan, le Blavet envahit la rue principale de Lochrist près de Lorient ; la banlieue rennaise est
noyée sous les eaux de la Vilaine ; les rails de la gare du chef-lieu de
la Vienne sont recouvertes par 80 centimètres d’eau ; à Châtellerault,
la Vienne roule des eaux furieuses ; à Bonneval, la Loire en crue
atteint les toits des maisons… Après un temps d’accalmie et une décrue amorcée
vers la mi-janvier, les inondations reprennent dans presque tous les grands
bassins fluviaux : Avignon, Mondragon, Nantes et Ancenis sont les villes
les plus éprouvées.
La pluviosité exceptionnellement élevée des
derniers mois de 1935, qui persiste jusqu’en janvier 1936, provoque en Savoie
des crues désastreuses et un éboulement de boue qui, le 17 janvier 1936,
désole la petite commune de Serrières en Chautagne. Sources : mes collections et livres
anciens Rosine Lagier |