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Le Cheval et le cavalier dans l’Afrique Noire

 

 

Pendant plusieurs siècles, le cheval en Afrique, animal fort coûteux, ne fut jamais utilisé comme animal de bât ou de trait. Moyen de transport réservé aux rois et aux guerriers, il fut longtemps un animal noble, élément de commerce et de conquête… devenu actuellement élément noble de l’Art africain.

Dès le IXe siècle, l’empire du Ghana comme celui de soninké de Ouagadougou comptaient une armée de 10 000 cavaliers ; il en était de même au Mali au XIIIe siècle. Toutes les royautés - Mossi, Ouolofs, Haoussa - et l’empire peul du Macina disposaient d’une cavalerie composée de chevaux arabes et de cavaliers lourdement armés de trois ou quatre dards, une sagaie lancée parfois très loin, un cimeterre et un bouclier rond. Les cavaliers avaient la particularité d’enfourcher leur monture à droite. Aujourd’hui encore, les cavaliers moudangs paradent sur des chevaux harnachés de caparaçons rehaussés de motifs géographiques (qui les protégeaient des flèches et javelines empoisonnées) ; le chanfrein s’ornait de plaques de métal et le poitrail d’un tablier de cuir clouté de cuivre ou d’argent. Les cavaliers portent des casques à plumets et de lourds vêtements molletonnés. (ci-contre, Ras, chef éthiopien de la suite du roi Menelik II - 1844-1913 - Le Journal des Voyages, 1907)

 

Dans certaines grandes ethnies - dans les principautés kotoko et sur les rives du lac Tchad par exemple - lorsque le cheval du prince mourait, il était enterré comme un humain. (ci-contre, le cheval est rarement représenté seul - cheval émaillé en pierre de Kisii - Kenya)

 

Au XVIe siècle, il fallait 15 à 20 dinars pour acheter un esclave, 40 dinars pour un eunuque mais Raymond Mauny rapporte que, sur la côte sénégalaise, il fallait échanger 7 à 15 esclaves pour 1 cheval ; au Bornou, il en fallait 15 à 20. Au Mali, 1 esclave un peu instruit s’achetait l’équivalent de 100 g d’or ; 1 cheval en valait 4 fois plus. Au XVIIIe siècle, en Angola, les Portugais commercialisaient force queues de cheval très demandées par les nobles qui s’en servaient comme sceptres ou chasse-mouches : chaque queue s’échangeait volontiers contre 2 esclaves. (ci-dessous, chevaux du Soudan, Le Sport universel illustré, 1901)

 

 

 

Hélas, pendant longtemps, la mouche Tsé-tsé fut la pire ennemie des chevaux. La race Mbayar - typique des pays wolofs du Cayor, Bao, Waalo, Djolof - a des liens anciens avec le cheval barbe originaire d’Afrique du Nord. De nos jours, au Sine-Saloum, des hardes vivent en semi-liberté.

 

Le Kirdimi en est une variété naine. Le Bandiagara ou Gondo est élevé au Mali. Au Sénégal, en Éthiopie, au Togo, dans le Guerra, dans la région de Bauchi au Nigéria et surtout dans les plaines inondables du Tchad et du Cameroun, il existait la race du poney Kotokoli, beaucoup plus résistant que les chevaux : à tête forte et crinière fournie, à « ventre de vache », ce petit poney d’1,10 m au garrot a mené bien des raids guerriers conquérants, contribuant à modifier considérablement la carte des populations.

La race du poney du Logone dans le nord du Cameroun, a bien failli disparaître à cause de la modernité entre 1970 et 1980. Mais la motorisation fut un échec et les attelages de boeufs mourant rapidement de la glossine due aux trypanosomoses, les anciens ont enfin accepté que leurs poneys soient attelés ! (ci-contre, cheval du Soudan, Le Sport universel illustré, 1901)

 

 

De nos jours, les chevaux restent un bien de prestige pour lequel les éleveurs prennent des précautions particulières : ils sont élevés loin de tout autre animal domestique et reçoivent des traitements insecticides souvent traditionnels mais aussi chimiques. La plus grande réunion équestre d’Afrique reste aujourd’hui le grand festival annuel de Barani : un peu plus de 100 chevaux et cavaliers s’y retrouvent le 1er mardi après la Tabaski. Cette coutume ancestrale d’allégeance au chef peul est une expression de paix et de coexistence pacifique entre populations agropastorales frontalières du Mali et du Burkina Faso. (ci-contre, cavalier prêt à l’attaque et cheval, artisanat de Centrafrique)

 

Chez les Bamanas comme chez les Dogons, comme dans presque la totalité des ethnies, la représentation du cheval est fréquente dans la statutaire où le cavalier est presque toujours représenté armé. (ci-contre, statue en bronze, artisanat du Tchad)

 

 

 

Selon les ethnies, on trouve également, des coupes, des tam-tam, des sièges, des repose-têtes avec chevaux. (ci-dessous tam-tam de Guinée Conakry, artisanat Baga)

 

 

Il existe peu de chevaux représentés seuls et peu de femmes à cheval, sauf chez les Senufo de Côte d’Ivoire où les femmes à cheval (reconnaissables aux seins et à la coiffure un peu plus féminine) sont armées de sabre ou de lance. (ci-dessous, cavalier Dogon – Mali)

 

Dans la mythologie Dogon, le cheval est associé au Hogon, chef religieux souvent représenté à cheval sur des bagues, dans des sculptures en bois ou encore dans des fontes à la cire perdue. Chez les Ewe du Togo, les Fanti et les Ada du Ghana, on trouve des sculptures de génies divinatoires à cheval : les grandes mains du cavalier sont tendues vers l’avant et les doigts écartés témoignent d’un état de transe. Chez les Mossi, légende et histoire se mêlent pour souligner l’importance du cheval. Dans les manifestations publiques, le chef mossi se présente toujours à cheval. Le masque cheval (masque yoruba) et la canne à tête de cheval, appelés tous deux Kore Duga sont utilisés dans la société d’initiation Kore des Bamana.

Outre les sculptures sur bois, les forgerons bamana ou numu forgent des objets en fer utilisés dans la vie courante (piquets, attaches, coupes). (ci-dessous, chaises rares de Guinée Conakry, artisanat Baga).

 

Dans le théâtre africain, on peut trouver des marionnettes de cavalier à cheval, les deux complétement articulés.

 

 

 

 

 

Mes sources et collections sont la plupart des cadeaux de mes enfants qui vivent ou séjournent et travaillent en Afrique. Mille mercis à eux à qui je dédie ce texte !

 

 

 

 

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